Maylis sortit du dortoir et huma l’air extérieur. Mauvaise idée.
Même après quelques lunes, l’odeur persistait toujours. La crasse. La pourriture. La mort. On ne s’y habituait jamais vraiment. La celte avait eu l’habitude du sang frais qui emplissait l’air des champs de batailles ; mais elle n’était jamais restée tant de temps sur le lieu d’anciennes luttes, d’anciennes tueries, et n’avait donc jamais eu à supporter la senteur de décomposition qui ne quittait jamais la place. Tout ça pour dire que c’était assez atroce.
La jeune femme ferma la porte derrière elle. Elle jeta un regard circulaire alentour ; c’était elle, ou malgré le printemps la ville dégageait toujours une impression de gris, de brouillard ? Elle ajusta sa capuche et se mit en route. Depuis plusieurs jours, elle errait, sans vraiment savoir quoi penser. Elle accomplissait ses tâches le matin, et marchait l’après-midi. Constamment seule. On voyait alors une silhouette fine, encapuchonnée, une cape volant derrière elle, progresser parmi les difficultés du terrain de Bourg Tonkul.
Cette fois, les pas de Maylis la menèrent près de l’entrée. Elle se laissait toujours vagabonder, afin d’avoir la surprise de la destination finale. Après tout, c’est bien ça la vie non ? Un grand vagabondage, au cours du temps, et ce temps qui s’arrête, afin de nous mener à notre but, notre fin, en ne prévenant nullement. Une fois en haut des remparts, le regard de la femme se perdit au loin. Qu’y avait-il derrière cet horizon ? L’horizon… Une ligne. Une simple ligne qui la séparait de ses protecteurs.
Se laissant glisser le long du bois du mur, elle s’assit et ferma les yeux. Son horizon à elle, c’était le bonheur, celui qu’elle ne réussissait plus à trouver depuis quasiment huit ans. Le noir de ses yeux clos laissa place à des couleurs, des multitudes de couleurs, où le doré était maître. Sa voix aussi était dorée, sa voix qui, sans qu’elle ne s’en rende compte, s’était mise à onduler en un chant gaëlique envoûtant. Faible filet de paroles qui ne s’entendait quasiment pas. Peut-être que ça l’attirerait. Peut-être qu’il viendrait. Ou quelqu’un d’autre. Elle avait besoin de parler.